Captation multicaméras du concert de Papa Wemba au New Morning Making Off technique : 8 caméras HD Sony Z1 et A1E, tournage en février 2006

, par  Marc Salama , popularité : 15%

La méthode consiste à filmer sur 8 bandes en continu et à monter ensuite sous Final Cut Pro HD, à l’aide de la fonction multiplan qui offre l’équivalent d’un montage par commutation en régie de direct, sauf qu’on est en différé et que l’on a le droit à l’erreur...

Cette façon de faire que j’ai déjà largement appliquée en DVCam sur les captations de Magma au Triton en 2005 et plus récemment sur celle en HDV de Sidji Moon au Café de la Danse, s’avère la plus efficace pour assurer une bonne qualité, avec des axes variés dans un delai de montage très correct. Un projet complet d’une heure trente minutes de concert, préproduction, tournage, montage, étalonnage, mixage, et authoring DVD, s’étale sur 20 jours de travail et ouvre bien des possibilités, notamment dans l’utilisation de pistes d’angle pour le DVD, puisque nous disposons des continuités sur les 8 caméras. Mais c’est aussi plus de créativité au montage, notamment dans les valeurs des plans et l’ajustement de la rythmique du montage.

Le choix de la HD est aujourd’hui évident, avec plus de 2 fois la résolution TV broadcast, d’autant qu’il s’agit aussi d’assurer la pérennité des productions actuelles, qui dans quelques années termineront sur des galettes DVD HD et des écrans haute définition. En outre la location de 8 caméras HD est un budget d’à peine 800€HT, alors soyons fous !...

La Lumière

La difficulté au tournage c’est la salle, et notamment le New Morning, dont la scène est plutôt réduite (7 m de large sur 3,5 m de profondeur pour une hauteur de 2,7 m). Papa Wemba et ses 7 musiciens ont eu vite fait de la remplir et les éclairages « maison » placés juste au dessus du front de scène ne sont pas adaptés à ce type de tournage. Trop proches, ils chauffent les chanteurs au premier plan qui se mettent à dégouliner rapidement, et trop verticaux, ils leurs font des têtes de morts en assombrissant les cavités orbitales sur les visages et l’ombre plongeante du nez. C’est pourquoi, au prestataire lumière Cyber-Son, j’ai demandé des projecteurs en faces qui soient suffisamment éloignés et une lumière la plus blanche possible, pour faire un travail sur la couleur essentiellement en contre-jour à l’aide de projecteurs à LED très puissants et aux variations programmables, les Moduled, technologie qui a en outre l’avantage majeur de ne pas chauffer la scène. Avec une seule journée pour mettre tout cela en place, et quasiment pas de répétition…

4 Moduled 318 (marque Ayrton) : Pour les contre-jour, 4 Moduled 318 (marque Ayrton), ces éclairages utilisent des lampes à LED d’une puissance de 1 watts en RGB soit 16 millions de couleurs. La Moduled se compose de trois blocs de 18 LED chacun soit 54 en tout
Pour les contre-jour, 4 Moduled 318 (marque Ayrton), ces éclairages utilisent des lampes à LED d’une puissance de 1 watts en RGB soit 16 millions de couleurs. La Moduled se compose de trois blocs de 18 LED chacun soit 54 en tout

4 Moduled 318 (marque Ayrton) : Pour les contre-jour, 4 Moduled 318 (marque Ayrton), ces éclairages utilisent des lampes à LED d’une puissance de 1 watts en RGB soit 16 millions de couleurs. La Moduled se compose de trois blocs de 18 LED chacun soit 54 en tout

Le plan de face

L’équipe de Cyber-Son, constituée d’un assistant, un technicien à la console, Fredéric Pouzin, et un Chef Opérateur, Georges Etienne Madamet, s’est adaptée à la salle avec ingéniosité. Les consignes étant de ne pas faire suer les chanteurs, de respecter la nature des peaux noires et d’avoir un diaphragme entre 4 et 5,6 pour les caméras, impératifs largement tenus. Pour la face, 2 Spots Lyres 250 XT (marque Robe) ont été installés et seules les découpes latérales de la salle, placées à 6 m de la scène, ont été utilisées, pour les contre-jour, 4 Moduled 318 (marque Ayrton), ces éclairages utilisent des lampes à LED d’une puissance de 1 watts en RGB soit 16 millions de couleurs. La Moduled se compose de trois blocs de 18 LED chacun soit 54 en tout ; et pour finir, toujours pour les contre jour, 4 Spots Lyres 250 XT (marque Robe) permettant de travailler les faisceaux sur scène en complétant les teintes obtenues par les Moduled. Ces éclairages peu encombrants et robustes, se sont fondus dans un décor sobre, sous les manettes de Frédéric qui a réalisé son plan de feu et ses programmations sur une console Grand MA de chez MA Lighting.

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Variations des teintes : très belles variations de teintes générées par les Moduled de Cyber-Son en facade et en contre jour.

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L’équipe de tournage

Budget serré oblige, coté équipe de tournage, 7 personnes pour 8 caméras : 5 cadreurs équipés de HDR Z1 Sony, 1 cadreur (à distance) qui manie deux petites caméras HVR-A1E Sony placées sur des tourelles MAXWELL MP-101 télécommandées, qui supportent des caméras pesant jusqu’à 3 kg, et moi-même à la réalisation devant mes deux moniteurs 36 pouces, divisés en 8 images grace aux 2 Quad loués chez Loca-Image pour l’occasion avec les caméras HDV.

Pas de place pour une grue, donc le plan large restera fixe avec un seul cadreur pour gérer les deux caméras de face, en large et en serré. Deux cadreurs sur trépieds et une caméra HDR-Z1 derrière les pilones de soutien de la salle croisent leurs champs et enfin deux cadreurs avec deux Z1 sur monopod sont placés en bordure de scène pour aller chercher les plans de proximité.

Sans profondeur de scène, la solution des deux tourelles télécommandées sur 180° avec tilt et panoramique variables, nous ont permis d’améliorer la visibilité des musiciens masqués en arrière scène par les choristes, notamment le batteur et le bassiste. Pour ce faire, le cadreur-assistant réalisateur, Jean Christophe Marcot, placé à mes cotés pendant la captation, a également la main sur la mise au point et le zoom via une télécommande Lanc ; il manie en fait deux télécommandes par caméra : une pour la tourelle, l’autre pour la caméra. En outre, l’autonomie des bandes en HDV est d’une heure et deux minutes, sur des bandes DV de 60mn, ce qui a nécessité une coupure orchestrée avec Papa Wemba afin de recharger les caméras le moment venu.

Plan de scène Papa Wemba au New Morning

L’autre intérêt de ce type de configuration reside dans la souplesse de mise en œuvre et le moindre encombrement pour les transports ; deux petits utilitaires ont suffit à véhiculer tous les équipements de tournage, cablerie, trépieds, caméras, monitoring, etc… L’installation fut une affaire de 4 heures de mise en place et de réglages pour 8 caméras ! Ensuite, la réalisation a consisté à diriger les cadres, sans commuter évidemment ; pourquoi se stresser à ce moment là ? Mieux vaut, à mon sens, évacuer la pression en harmonisant tranquillement les cadres et les mouvements de chaque caméras. Il suffit d’imaginer le montage…

Le Son

Coté audio Pierre Bianchi de Planète Nomade s’est déplacé avec une console de mix Yamaha DM2000, à l’encombrement réduit, un Pro Tools HD3, et un Tascam MX2424, deux interfaces audio Digidesign 192, 1 préampli à lampes Avalon 737 pour la voix de Papa Wemba, 1 compresseur Tube-Tech CL1B pour la Basse et son parc de microphones, notamment un Neuman KMS 105 pour le lead vocal et un kit de 4 DPA 4006 pour les ambiances ; le Tascam venant simplement sécuriser la prise de son du Protools, faite en 48KHz pour rester dans le standard Final Cut Pro. Là également, efficacité dans les choix des équipements, peu encombrants, rapides à mettre en œuvre et surtout fiabilisation totale de la prise de son. La difficulté étant à la fois de faire le son de facade pour la salle et celui des retours pour les musiciens via la console du New Morning (poste assuré pour l’occasion par Jean-Marc Aringoli), sans polluer la prise de son destinée au DVD. Une spécialité de Planète Nomade avec qui j’avais eu une première expérience de qualité en janvier sur la captation de Sidji Moon ; essai transformé sur cette opération beaucoup plus délicate du fait de l’étroitesse de la scène et du nombre de sources audios en jeu. Au final, Pierre Bianchi m’a livré, directement via internet, les mixages en .aif, après avoir refait quelques voix de chœurs et une ou deux parties de guitare dans son studio.

En post production

Voici donc un cas d’école assez intéressant, Final cut Pro va t il etre capable de gérer 8 flux synchrones dans un multiplan sur un G5 biprocesseur cadencé à 2 x 2GHz, équipé de 5 Go de RAM, à partir d’un disque dur ATA ou SATA tournant à 7200 tours/minute ? La réponse est : on y arrive mais c’est laborieux… Notamment à la numérisation des flux HDV depuis une caméra ou un magnetoscope. Une instabilité aléatoire du flux en cours de numérisation sur un disque Firewire externe, « casse » la continuité des bandes dès que le système rencontre une « perte d’image », créant automatiquement un nouveau plan. Cette perte d’image est elle même aléatoire, elle ne se produit pas forcément au même endroit sur la même bande si vous réessayez plusieurs fois de suite. C’est une vraie loterie ! C’est, en dernière analyse, le débit du Firewire 1 appliqué à des disques ATA externes qui est naturellement fragile et imprévisible.

Tout s’arrange dès que l’on utilise des disques Raid, et notamment le système Xserve développé par Apple. Car tout ceci est affaire de débit et de temps d’accès. Jusqu’à 4 flux HDV en multiplan, un simple disque SATA à 7200 tours/minute fonctionne parfaitement même s’il subit parfois quelques ralentissements hocqueteux. A partir de 8 flux synchrones, cela devient trop lourd pour un disque du marché, le haut débit en Raid s’impose, bien qu’un disque SATA à 10000 tours/minute ait donné d’assez bon résultats, tant que l’on travaille sur des passages relativement courts (30 secondes maxi).

La Timeline Final Cut Pro en multiplan : Le montage en mode multiplan sur Final Cut Pro, souple et rapide, il nécessite néanmoins des disques durs rapides (Raid ou Sata à 10000 tours/mn pour la gestion de 8 flux synchrones).
Le montage en mode multiplan sur Final Cut Pro, souple et rapide, il nécessite néanmoins des disques durs rapides (Raid ou Sata à 10000 tours/mn pour la gestion de 8 flux synchrones).

La Timeline Final Cut Pro en multiplan : Le montage en mode multiplan sur Final Cut Pro, souple et rapide, il nécessite néanmoins des disques durs rapides (Raid ou Sata à 10000 tours/mn pour la gestion de 8 flux synchrones).

Le principe du montage multiplan, consiste à synchroniser les 8 flux à partir d’un point de synchro à l’entrée ou à la sortie, puis lire ces 8 flux dans la fenetre appelée « Visualiseur », divisible en 9 imagettes 16/9, qui défilent en même temps dès que l’on actionne la lecture. Il suffit alors de cliquer sur l’image que l’on souhaite pour la monter en temps réel dans la séquence. En clair, c’est comme si l’on commutait sur une console video en régie de direct, avec la possibilité de revenir sur chaque coupe évidemment. Système déjà bien connu des monteurs Avid. Le gros intérêt est la rapidité de montage, surtout dans le cadre d’une captation musicale, mais aussi la rapidité des corrections de coupes et de plans. En effet, le système, qui fonctionne parfaitement en lecture en temps réel, fonctionne aussi très bien à l’arrêt. Je m’explique. Si vous etes mécontent d’un plan dans votre séquence, il suffit de replacer la tete de lecture n’importe où sur ce plan dans le montage (Timeline) et de cliquer sur un plan parmi les 8 synchrones que vous propose le Visualiseur. Il prendra automatiquement sa place. Quant aux coupes, elles s’ajustent en « trimmant », c’est à dire en les déplaçant à l’image près comme dans n’importe quel logiciel de montage numérique moderne, ce qui permet de réajuster rapidement les erreurs de rythme du montage.

Pour Finir

Outre la très belle définition du format HDV, on constate, malgré leur différence de technique, que les capteurs Tri CCD des 6 caméras HDR-Z1 Sony et les capteurs C-Mos des 2 petites HVR-A1E Sony, sont raccord si l’on prend soin de faire un vrai blanc au debut de concert. Simplement, les capteurs C-Mos sont un tout petit peu moins denses en chrominance dans les basses lumière, mais ceci se rattrape très bien en postproduction, par contre dans les hautes lumières il est difficile de voir la différence.

Pour ce qui concerne les validations par le producteur Paul Diowo de Synchronies Music, j’ai largement abusé du visionnage directement en ligne au format H.264 offert par Quicktime 7. C’est un format étonnament leger et superbement défini, mais qui demande des ressources processeurs importantes. Seules des PC récents, G4 ou G5 sont capables de le lire correctement, ce qui le reserve encore pendant quelques mois aux professionnels. A titre de comparaison, un montage de 6 minutes, réduit à la taille de 960 x 540 pixels, soit la moitié du format HDV 1080i natif, pèse à peine 34 Mo une fois convertie en H.264 à 800 kbps, avec le son en AAC à 32kHz ; cette même séquence en MPEG-4 à 25% de la taille de la source (480 x 270 pixels), pèse le même poids, soit environ 35 Mo ! Son seul avantage est d’être lisible par des ordinateurs plus anciens, G3 et vieux Pentium.

La dimension de l’image et la définition du codec H.264 en font, à juste titre, le format le plus prisé par Hollywood et, aujourd’hui, la plupart des grandes chaines françaises l’ont adopté, en constatant qu’il génère jusqu’à 8 fois plus de téléchargements de la part des internautes que Real video et autres Window Meedia Player. Rappelons en outre que Quicktime est totalement gratuit pour tous ses utilisateurs, diffuseurs ou spectateurs. C’est cette technologie qui a permit le montage virtuel Avid au début des années 1990. C’est encore elle qui offre aujourd’hui la possibilité de regarder des programmes en plein ecran sur nos ordinateurs et qui va un peu plus transporter la télévision traditionnelle vers l’Internet.

Voici donc une opération dont le prix de revient global, salaires, tournage et postproduction est l’équivalent de la seule location d’un car régie 8 cameras sans personnel, pour une qualité d’image exceptionnelle et surtout perenne, puisque nous serons tous devant des écrans HD d’ici deux à trois ans en train de regarder des DVD HD ou des flux de programmes HD en H.264 par tous les canaux existants ou à inventer…

Article paru en 2006 dans Sonovision

Marc Salama

Réalisateur et producteur


Voir en ligne : Visionnez une second extrait : Salakeba

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